Luca Lo Basso
Les grandes républiques maritimes, notamment celles de Gênes et de Venise, ont été de grandes puissances commerciales et maritimes pratiquant la traite esclavagiste dans la Méditerranée. Même si la plupart de ces hommes et femmes mis en esclavage sont originaires d’Afrique du Nord, certains, par le biais de la traite transsaharienne, le sont d’Afrique subsaharienne. Le monument de Quattro Mori de Livourne est symbolique de cette histoire esclavagiste de l’Italie.
Cela au moins sur le plan du droit, mais dans la réalité de la Méditerranée de l’époque, les deux figures se mélangent et se confondent, sans possibilité de déterminer qui est l’esclave et qui est le prisonnier. Ce qui est sûr, c’est que des milliers de Morgiano et Alì sont capturés et contraints à travailler de force, surtout à partir du 16e siècle, lorsque les affrontements entre les puissances chrétiennes et l’Empire ottoman deviennent de plus en plus intenses. Les ports et les villes italiennes – Gênes, Livourne, Naples et Venise en tête – deviennent rapidement des marchés florissants pour ces hommes mis en esclavage, principalement destinés à servir de rameurs sur les galères des différentes flottes. En général, chaque flotte de la Méditerranée utilise un tiers de galériens serviles pour chaque unité, étant donné qu’en moyenne chaque galère a besoin d’environ 250 rameurs. Ces hommes doivent être assez jeunes – âgés d’environ 18 à 60 ans –, de constitution robuste et de grande résistance.
L’esclavage dans les villes italiennes ne concerne pas seulement les hommes. Il y a de nombreuses femmes mises en esclavage présentes dans les maisons des nobles en tant que domestiques, souvent choisies en fonction de leur beauté et destinées plus aux affaires de lit qu’à l’entretien de la maison. Les viols et les violences perpétrés contre les jeunes femmes se terminent souvent par des grossesses non désirées, mais qui donnent parfois lieu à des descendants de haut lignage, comme dans le cas d’Alexandre de Médicis, dit le Maure, fils du célèbre Laurent le Magnifique (Lorenzo il Magnifico), et peut-être d’une ancienne esclave à la peau brune.
Toutes ces personnes réduites en esclavage dans les villes italiennes n’ont que deux moyens pour sortir de leur condition : la fuite ou le rachat. Les fuites sont très nombreuses, comme on peut s’y attendre. Mais il n’est pas toujours possible de s’échapper des maisons des seigneurs, des bagnes ou des galères, même si celles-ci sont à l’ancre dans un port. Compte tenu des distances par rapport à leurs pays d’origine, il est facile pour les fugitifs d’être repris et remis à travailler dans des conditions d’esclavage. Dans de rares occasions, les fuites connaissent également un heureux résultat. C’est le cas d’un groupe de six personnes, réduites en esclavage après la capture d’un corsaire de Trapani en 1793, qui réussissent à s’échapper, grâce au vol d’un petit bateau avec lequel ils arrivent sains et saufs après quelques jours dans le port de Biserta.
Les villes italiennes, qui connaissent le phénomène de l’esclavage depuis l’Antiquité, ont vu affluer de nouveaux esclaves, principalement destinés à être utilisés comme force motrice sur les galères. Les ports ont notamment été le lieu de nombreux marchés de captifs et ont accueilli un grand nombre de personnes, dont on ignore souvent le nom et le visage, à l’exception de cas tels que Morgiano et Alì qui sont devenus les symboles de l’esclavage, immortalisés à jamais dans le monument des Quattro Mori, encore visible aujourd’hui devant le vieux port de Livourne.
À propos de l’auteur
Professeur d’histoire moderne à l’Université de Gênes et directeur du Laboratoire d’histoire maritime et navale (NavLab), Luca Lo Basso est spécialiste de l’histoire maritime et de l’histoire de la Méditerranée à l’époque moderne. Ses principaux thèmes de recherche sont la navigation et le commerce en Méditerranée, la présence génoise dans les trafics atlantiques au 17e siècle, l’esclavage en Méditerranée, la guerre navale et la guerre de course aux 17e et 18e siècles.
Bibliographie
AGOSTINI A., Istantanee dal Seicento. L’album di disegni del cavaliere pistoiese Ignazio Fabroni, Florence, 2017.
BONO S., Guerre corsare nel Mediterraneo. Una storia di incursioni, arrembaggi e razzie, Bologne, 2019.
FRATTARELLI FISCHER L., Il bagno delle galere in “terra cristiana”. Schiavi a Livorno fra Cinque e Seicento, in “Nuovi Studi Livornesi”, vol. VIII (2000).
LO BASSO L., Uomini da remo. Galee e galeotti nel Mediterraneo in età moderna, Milan, 2004.
MANDALIS G., I Mori e il Granduca : storia di un monumento sconveniente, Livorno, 2009.
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