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Portrait : Joaquim Ferreira dos Santos, un marchand d’esclaves portugais

March 14, 2023

Aurora Almada e Santos

Joaquim Ferreira dos Santos est un négociant portugais dont la fortune et le statut social se sont considérablement accrus du fait de sa participation à la traite atlantique esclavagiste. Comme beaucoup de ses contemporains, il a émigré au Brésil où il s’est engagé dans un commerce entre les trois continents, approvisionnant le marché brésilien en esclaves africains. De retour au Portugal, il a fait don de sa fortune, ce qui lui a permis de se forger une image de bienfaiteur

L’émigration au Brésil 

À sa naissance, le 4 octobre 1782 à Porto, dans le nord du Portugal, Joaquim Ferreira dos Santos, fils de João Ferreira dos Santos et Ana Martins da Luz, modestes fermiers, n’appartient en rien à la classe supérieure portugaise. Son implication dans la traite atlantique de personnes mises en esclavage va modifier cette situation et, au moment de sa mort, le 24 mars 1866, il porte le titre de premier comte de Ferreira et jouit de liens étroits avec la Couronne.

Le parcours initial de Joaquim Ferreira dos Santos ne diffère pas de celui de nombreux autres Portugais de condition modeste : il fait ses études dans un collège catholique, puis travaille comme vendeur dans un magasin de Porto. Depuis cette ville, il émigre en 1800 au Brésil, alors colonie portugaise. Avec l’aide d’un parent, il se lance à Rio de Janeiro dans la distribution de produits coloniaux brésiliens (sucre, eau-de-vie, cuir, café et riz) à Porto et dans la vente de produits portugais (vin, sel, chapeaux, équipements et ornements) au Brésil.

Atlantic slave trade Slave trade transatlantic history, Portrait of Joaquim Ferreira dos Santos
Portrait de Joaquim Ferreira dos Santos, Comte de Ferreira, Museu da Misericórdia do Porto, Portugal, Wikipedia Commons.

Le commerce triangulaire

Cette entreprise artisanale se transforme ensuite en un vaste réseau commercial, impliquant d’autres villes portugaises comme Lisbonne, mais aussi les territoires africains, notamment l’Angola. Il prend la tête d’un commerce entre les trois continents basé à Rio de Janeiro. Outre l’échange de produits portugais et brésiliens, dos Santos expédie également des marchandises (tissus, quincaillerie, poudre à canon, eau-de-vie, vin et appareils électroménagers) vers Luanda et Cabinda, où ses navires embarquent des captifs africains pour fournir au Brésil de la main-d’œuvre non libre destinée à l’économie de plantation du territoire.

Bien qu’à l’époque la traite esclavagiste dans les colonies portugaises ait été entravée par les tentatives des Britanniques d’y mettre fin, le nombre de captifs africains traités par dos Santos est estimé à plus de 10 000. Il réalise d’importants bénéfices en investissant dans des titres de créance de pays tels que la France, la Belgique, la Russie et l’Espagne, dans des assurances maritimes, dans des immeubles de rapport et dans des plantations. En conséquence directe de son rôle dans le commerce d’esclaves, il reçoit le Hábito da Ordem de Cristo (Habit de l’Ordre du Christ), une haute distinction honorifique, décernée par le roi portugais D. João VI, qui vit alors au Brésil depuis 1808, après avoir échappé aux invasions du Portugal par Napoléon Bonaparte.

A l’occasion de la proclamation de l’indépendance du Brésil, le 7 septembre 1822, par D. Pedro, fils du roi portugais D. João VI, dos Santos prend la nationalité brésilienne. Sa richesse lui apporte un statut social et des liens étroits avec le cercle intime de l’empereur brésilien D. Pedro I, dont il a reçu plusieurs autres titres honorifiques. Cependant, l’indépendance du Brésil a un impact sur l’activité de dos Santos en tant que marchand d’esclaves. En effet, le tout nouveau pays et le Royaume-Uni ont signé un accord selon lequel les Brésiliens ne se livreraient plus, à partir du 13 mars 1830, au commerce esclavagiste. A la suite de la découverte par les autorités de personnes mises en esclavage dans sa Maison de commerce, alors que la traite est légalement interdite, et en raison de l’hostilité croissante contre les négociants portugais au Brésil, dos Santos rentre au Portugal le 8 septembre 1832.

 

 

 

L’image de bienfaiteur

Au Portugal, la situation politique est instable depuis la première invasion française en 1807. Le mécontentement général suscité par le départ de la famille royale au Brésil, la présence de troupes britanniques au Portugal et les difficultés économiques déclenchent la révolution libérale en 1820. La mort du roi D. João VI en 1826 provoque une crise de succession opposant l’héritier, l’empereur brésilien D. Pedro I qui a l’intention d’abdiquer en faveur de sa fille D. Maria , et de son frère D. Miguel. Lorsque dos Santos arrive au Portugal, la crise est permanente et il se range du côté de D. Pedro I, apportant une aide financière à D. Maria qui gouverne ensuite le Portugal de 1834 à 1853.

Pendant un certain temps, dos Santos continue à faire du commerce avec le Brésil, investissant également au Portugal dans l’agriculture, la banque, l’exportation de vin de Porto vers le Royaume-Uni, entre autres activités. Dans le contexte des nouveaux bouleversements politiques au Portugal, en janvier 1842, il soutient l’ascension au pouvoir d’António Bernardo da Costa Cabral, qui devient ministre du Royaume. Son soutien à Costa Cabral lui vaut plusieurs titres, dont celui de Pair du Royaume, qui lui permet de siéger à la Chambre des Pairs, la deuxième chambre du Parlement portugais. Plus tard, il reçoit les titres de vicomte et de baron, avec en point d’orgue le titre de 1er comte de Ferreira en 1850. Sous le gouvernement de Costa Cabral, il bénéficie d’importants investissements dans le tabac, le savon, la poudre à canon, la banque et les travaux publics.

La participation de Dos Santos à la vie politique portugaise s’éteint avec le remplacement de Costa Cabral en 1851. À sa mort en 1866, n’ayant pas de descendance, il fait don de sa fortune, ce qui lui confère une image de bienfaiteur. Son testament prévoit alors la création de 120 écoles primaires, dont 70 existent encore aujourd’hui, et des dons à des asiles, des hôpitaux, des confréries et des maisons de miséricorde à Porto et à Rio de Janeiro. Il a également créé un hôpital psychiatrique qui porte encore aujourd’hui son nom. 

Translate by Christine Renard

 

 

 

Informations complémentaires:

🔶 Museu da Misericórdia do Porto. “Joaquim Ferreira dos Santos: Conde de Ferreira”. Peut être consulté en ligne: ICI 

 

 

 

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À propos de l’auteur

 

Aurora Almada e Santos est chercheuse à l’Institut d’histoire contemporaine de la Nouvelle Université de Lisbonne, une institution de premier plan dans l’étude de l’histoire contemporaine portugaise. Ses recherches portent principalement sur la décolonisation portugaise, plus précisément sur la dimension internationale de la lutte pour l’autodétermination et l’indépendance des colonies africaines portugaises. Ses activités de recherche actuelles incluent la publication d’articles et de chapitres de livres, l’organisation de publications et de conférences, ainsi que l’enseignement de cours liés à l’histoire africaine.

Bibliographie

Jaime Rodrigues. “’Neste Tráfico não há Lugar Reservado’: Traficantes Portugueses no Comércio de Africanos para o Brasil entre 1818 e 1828” in História (São Paulo), v.36, e38, 2017, p. Peut être consulté en ligne: ICI 

Jorge Fernandes Alves. “Percursos de um Brasileiro do Porto: O Conde de Ferreira” in Revista da Faculdade de Letras da Universidade do Porto, vol. IX, 1992, p. 199-213. Peut être consulté en ligne: ICI 

José Capela. Conde de Ferreira & C.ª: Traficantes de Escravos. Porto: Edições Afrontamento, 2012, p. 194.

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